La mesure de Dieu

Mt 7,1-5

« Ne jugez pas, pour ne pas être jugés ; de la manière dont vous jugez, vous serez jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera. Quoi ! tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? Ou encore : Comment vas-tu dire à ton frère : “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. 

Au cours de l’année liturgique, seules trois naissances sont célébrées : la naissance du Seigneur, la naissance de la Vierge Marie et la naissance de Jean-Baptiste. Cela indique la grande importance pour l’Église de celui qui a été le Précurseur de la venue du Christ.

Jésus nous enseigne que nous devons être très prudents dans notre critique des autres. Le Seigneur nous connaît très bien, nous les hommes, et il connaît notre tentation de ne pas remarquer nos propres erreurs, de les dissimuler, de les relativiser et de les éluder du mieux que nous pouvons. En revanche, il nous est très facile de remarquer les défauts des autres et d’être toujours à l’affût de la moindre erreur qu’ils commettent… Il peut même arriver que ce qui nous agace le plus chez l’autre, ce sont précisément les défauts qui sont les plus semblables ou même identiques aux nôtres, même si nous n’en sommes pas conscients. C’est pourquoi on peut dire que la connaissance de soi nous protège de la bêtise de se sentir supérieur aux autres.

En parlant de « ne pas juger », Jésus veut certainement dire que nous ne devons pas porter de jugement ou de condamnation sur une personne. Il s’agit là d’un énorme manque de charité, venant d’un cœur non réconcilié ; un cœur qui n’a probablement pas encore vraiment expérimenté et intériorisé l’amour et le pardon de Dieu. Si une personne en a fait l’expérience profonde et se connaît elle-même, elle ne pourra pas juger l’autre personne, parce qu’elle sait comment Dieu a eu pitié d’elle et c’est à cette mesure qu’elle  traite les autres.

Telle est donc la clé de la rencontre avec une autre personne ; telle est la mesure à laquelle nous devons l’évaluer. Si nous respectons cette norme dans notre vie, nous commencerons à mesurer avec la mesure de Dieu et à nous traiter les uns les autres comme Il le fait.

Une précision s’impose ici. Ne pas juger ne signifie pas que nous ne devrions pas discerner un acte particulier, en évaluant s’il correspond ou non à la mesure de Dieu. Nous ne pouvons pas interpréter cette parole du Seigneur comme signifiant que nous devons accepter et applaudir tout ce que font les autres. L’essentiel est de pouvoir faire la distinction entre l’acte concret et la personne qui le commet.

Prenons un exemple simple : quelqu’un vole. C’est un acte intrinsèquement mauvais et nous ne pouvons pas fermer les yeux sur cet acte. Le jugement objectif est donc de dire que c’est un acte mauvais en soi. Cependant, nous ne connaissons pas les circonstances dans lesquelles la personne en question a commis le vol : peut-être n’était-elle pas seulement poussée par la convoitise mais était-elle dans le besoin ; peut-être a-t-elle même été forcée à voler… Nous ne devons donc pas la condamner à jamais comme voleuse par notre jugement. Il se peut même qu’elle ait déjà reconnu sa faute et qu’elle se soit repentie, et que nous ne le sachions pas.

L’exemple que nous donne Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui doit lui aussi être interprété correctement. Le Seigneur ne nous dit pas de fermer les yeux sur les fautes des autres, mais il nous montre la bonne manière de les traiter. En effet, ce serait une faute contre l’amour et contre la vérité que de laisser notre frère continuer dans son erreur, en ayant la possibilité de la lui signaler. Rappelons-nous que nous sommes appelés à être « le gardien de notre frère » (cf. Gn 4,9).

Je voudrais donner un exemple concret pour mieux comprendre. L’obstétricien de notre communauté a eu une séance de conseil avec une femme qui envisageait de se faire avorter. Après une longue discussion, elle a décidé de garder l’enfant. Quelque temps plus tard, la femme a déclaré que ce qui avait été décisif, c’était une phrase de l’obstétricien lui disant que sa décision devait être fondée sur la vérité, la vérité qu’elle connaissait bien de par ses racines chrétiennes, c’est-à-dire laisser vivre l’enfant. Et cette décision, elle devait la prendre malgré la résistance de son compagnon. Elle a ainsi pu dire un OUI total à la vie de son fils. Finalement, son compagnon l’a également accepté et tous deux ont été heureux d’avoir cet enfant.

L’essence de ce que le Seigneur nous dit dans l’Évangile d’aujourd’hui est la primauté de l’amour. Lorsque nous rencontrons d’autres personnes, qu’il s’agisse d’étrangers ou de nos proches, nous devons le faire dans le même esprit que celui dans lequel Dieu vient à notre rencontre. Nous pouvons demander à Dieu de nous remplir de son Esprit et lui permettre de purifier nos cœurs. C’est ainsi que nous parviendrons à avoir une attitude correcte envers les autres.

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