L’Évangile qui nous est proposé aujourd’hui dans le lectionnaire de la Messe traditionnelle nous offre des avertissements importants pour notre saint voyage vers la fête de la Résurrection.
Après nous être mis en route, marqués de la croix de cendres, déterminés à approfondir notre conversion et à intégrer le jeûne comme une aide importante sur le chemin spirituel, le Seigneur nous met en garde aujourd’hui dans l’Évangile contre un penchant que nous devons surmonter avec son aide :
« Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux » (Mt 6, 1).
Jésus nous exhorte ensuite à faire l’aumône en secret, sans chercher à être loué par les hommes. Alors « ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (v. 4).
Rappelons la prière de saint Nicolas de Flüe avec laquelle nous avons conclu la première méditation de l’itinéraire de Carême le mercredi des Cendres. La première partie de la prière disait : « Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m’éloigne de toi ». Cette supplique exprime ce que la théologie mystique appelle la « voie purgative ».
Selon les avertissements du Seigneur dans l’Évangile d’aujourd’hui, qu’est-ce qui, en nous, a besoin d’être purifié ? Il s’avère que nous avons une tendance invétérée à vouloir plaire aux hommes, à vouloir nous rendre dignes d’eux, à nous préoccuper de notre propre honneur.
Bien sûr, en principe, il n’y a aucune objection à ce que les gens respectent et reconnaissent les bonnes actions qu’ils nous voient faire, si nous essayons de servir les hommes et de vivre en paix avec eux. Ce serait la bonne chose à faire.
Cependant, ce que le Seigneur thématise dans cet évangile, c’est la recherche de la louange et de la reconnaissance. Dans ce cas, la bonne œuvre qu’est l’aumône peut être utilisée abusivement comme moyen d’obtenir de la reconnaissance.
Nous pouvons facilement appliquer cet exemple à d’autres situations. Par exemple, c’est la recherche de la reconnaissance lorsque nous veillons à ce que nos propres mérites soient mentionnés et soulignés encore et encore. Derrière cette attitude se cache peut-être le problème suivant : nous mesurons notre valeur en tant que personne en fonction de la reconnaissance que nous recevons des autres. Ce problème sous-jacent peut être difficile à surmonter, car nous l’avons peut-être adopté dès notre plus jeune âge, à la maison ou dans notre environnement social.
Mais si c’est le cas, cela crée un déséquilibre considérable dans notre vie, qui peut conduire à un grand manque de liberté ou, dans des cas extrêmes, à un esclavage intérieur.
Que faire alors pour surmonter cette situation ?
Tout d’abord, il est essentiel d’intérioriser le fait que nous recevons notre valeur de Dieu. Nous sommes ses enfants bien-aimés et c’est là notre dignité, que personne ne peut nous enlever. Les déclarations d’amour de Dieu à notre égard sont si riches et diverses qu’elles deviennent notre sécurité la plus profonde : nous sommes aimés de Dieu ! Tout l’Évangile en témoigne, et dans la Passion et la Mort de notre Seigneur, son amour devient palpable pour tous : “Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique” (Jn 3,16). Et cela dans un monde pécheur ! Nous avons besoin de méditer et d’intérioriser cette certitude, afin d’y fonder toute notre vie.
Lorsque nous essayons de tout faire avec les yeux fixés sur Dieu, nous acquérons la vraie liberté. C’est aussi le conseil que le Seigneur nous donne dans l’Évangile d’aujourd’hui. C’est le Père qui nous récompense pour nos bonnes actions. Si nous les faisons pour Lui, nous recevons en prime la liberté de ne pas dépendre des louanges des hommes.
La récompense céleste est sûre, il ne faut pas la compromettre !