Nous avions réfléchi à la vertu de force dans le contexte des lectures du livre des Maccabées, ces hommes et femmes courageux du peuple d’Israël. J’ai également souligné que nous avons besoin de cette vertu pour notre témoignage chrétien dans le monde, qui, dans un cas extrême, peut aller jusqu’au martyre. Nous pouvons nous entraîner à la vertu de force d’âme, et nous ne devons pas nous décourager si nous sommes naturellement craintifs. L’histoire de la novice Blanche de la Force (racontée dans le roman de Gertud von Le Fort « La dernière sur l’échafaud ») peut encourager ces âmes craintives, en leur montrant qu’elles peuvent elles aussi être capables d’actes héroïques.
Dans ce roman historique, l’auteur décrit le sort des carmélites pendant les bouleversements de la Révolution française. En raison des menaces qui pèsent sur les communautés religieuses, les novices reçoivent l’habit plus tôt que d’habitude. Après l’apparition d’une commission révolutionnaire au couvent, la maîtresse des novices du couvent de Compiègne, Marie de l’Incarnation, planifie un acte de consécration, en faisant le vœu d’un sacrifice héroïque. Sœur Blanche, novice très craintive, n’en est pas capable. Elle s’enfuit donc du couvent, se précipite vers son père et doit assister à sa mise à mort par la foule. Entre-temps, les carmélites de Compiègne – la communauté à laquelle elle appartenait – avaient également été arrêtées et condamnées. Blanca voit de ses propres yeux comment les sœurs sont conduites à la guillotine et comment elles vont à la mort en chantant le « Veni Creator Spiritus ». À chaque exécution d’une des religieuses, le chant s’affaiblit de plus en plus, jusqu’à ce qu’il s’éteigne complètement. Alors, au milieu de la foule sur la place de la Révolution, une voix douce s’élève et termine de chanter le « Veni Creator » : « Deo patri sit gloria et Filio, qui a mortuis surrexit, ac Paraclito in saeculorum saecula ». Oui, c’est Blanca de la Force qui chante ces mots. Aussitôt, elle est tuée par les femmes du marché en furie.
C’est une histoire terrible, compte tenu de la haine du peuple, incitée contre ces carmélites innocentes. Mais au milieu de cette horreur, le témoignage des sœurs, et aussi celui de Blanca, resplendit. Quelque chose de la puissance du Ressuscité, qui a vaincu la mort et le séjour des morts (cf. Ap 1,18), se révèle ici. Comment ces femmes courageuses ont dû être accueillies au ciel ! Comment elles ont honoré Dieu et le genre humain ! Ainsi, l’événement terrible est transfiguré de l’intérieur, devenant un acte d’amour suprême, qui reste indélébile devant Dieu et dans l’Église.
Certes, nous n’aurons pas tous à souffrir le martyre. Mais la vertu de force est également nécessaire dans tout parcours authentique à la suite du Christ. Je me réfère à la décision ferme de notre volonté de suivre le Seigneur en tout et de ne rien faire passer avant lui. C’est d’ailleurs le fruit normal d’une vie de foi.
Le cheminement à la suite du Seigneur peut parfois être effrayant, surtout lorsque nous n’en sommes qu’au début. Bien que la grâce de Dieu nous soutienne et nous donne souvent le zèle initial, le chemin peut être long. La vertu de force nous aidera alors à surmonter, avec l’aide de Dieu, toutes les étapes de ce voyage.
Saint Jean de la Croix nous dit que, lorsqu’on a décidé de s’engager sérieusement sur le chemin de la sainteté, le Diable cherchera mille façons de nous faire peur, de nous empêcher d’avancer et d’accomplir notre dessein. Dans ce sens, l’Ennemi peut utiliser toutes sortes de choses, y compris les histoires des saints, avec les souffrances et les tourments desquels il veut effrayer l’âme. En effet, il n’est pas rare que l’on oublie de dire dans ces récits que, si Dieu appelle une personne à suivre un tel chemin, il prend soin de lui donner toutes les grâces et les forces nécessaires pour supporter les souffrances.
Il faut donc une ferme détermination, de la force d’âme et beaucoup de persévérance pour suivre le Seigneur.
Demain, pour conclure cette série de méditations sur la force d’âme, je décrirai comment cette vertu doit aller de pair avec l’esprit de force, afin d’affronter avec la grâce de Dieu tous les défis qui se présentent à nous à chaque étape de ce chemin.