SÉRIE SUR LA VIE SPIRITUELLE: L’ascétisme des pensées (Partie III)

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Le rejet des pensées inutiles

Hier, nous nous sommes attachés à montrer l’importance de l’ascèse des pensées afin d’en acquérir la maîtrise et d’être les seuls à décider de l’attention que nous accordons ou non à chaque pensée. Nous nous étions surtout concentrés sur la lutte contre les mauvaises pensées, que nous devons combattre résolument pour qu’elles ne gagnent pas de terrain en nous.

Mais les mauvaises pensées ne sont pas les seules à nous assaillir, à vouloir nous priver de notre liberté. C’est encore plus le cas de ces pensées inutiles, de ce trop grand divertissement dans les choses superficielles de la vie, des nouvelles insignifiantes, de la lecture fugace de tout ce que le monde nous offre, surtout dans la dictature actuelle du bruit avec toutes les impressions dont les médias bombardent nos sens.

Sur le chemin de la suite du Seigneur, il est également nécessaire d’éviter – ou du moins de limiter – les pensées volontairement inutiles, car elles détournent notre attention de l’essentiel.

Ici, notre détermination à rechercher la pureté du cœur doit devenir encore plus profonde. À la lumière de l’Évangile, les pensées mauvaises et destructrices sont relativement faciles à détecter, et il est évident qu’elles doivent être combattues. En revanche, s’éloigner des pensées inutiles nécessite une décision plus profonde sur le chemin de la perfection. En outre, il est nécessaire d’apprendre à percevoir la voix délicate de l’Esprit Saint à l’intérieur et à reconnaître l’état dans lequel se trouve l’âme. La phrase suivante de saint Paul nous donne une ligne directrice pour cette dimension plus subtile de l’ascèse des pensées :  » « Tout est permis »… mais je dis: « Tout n’est pas bon. » « Tout est permis », mais tout n’est pas constructif » (1 Co 10, 23).

L’objectif de l’ascèse des pensées n’est donc pas seulement d’éviter les pensées pécheresses ; elle appelle aussi la personne à s’abstenir de pensées qui, bien que licites, ne sont pas vraiment édifiantes, afin que l’attention soit de plus en plus focalisée sur Dieu et que l’âme acquière une plus grande liberté. Ici aussi, il est essentiel de prendre une décision intérieure claire. Cela peut d’abord provoquer une crise en nous, car nous sommes habitués à nous laisser distraire par des pensées inoffensives, sans être conscients des conséquences spirituelles qu’elles ont.

Après avoir pris la décision de suivre la voie de la perfection, il peut sembler que cette décision vous fasse perdre la joie de vivre ou une certaine spontanéité.

Le terme « suggestion » est utilisé par les Pères du désert pour désigner, par exemple, toutes sortes de peurs qui, sous forme de pensées et de sentiments intenses, tentent d’influencer notre décision. Leur objectif est d’empêcher la mise en œuvre de la résolution prise, ou du moins d’en affaiblir la réalisation. Saint Jean de la Croix prévient également qu’une décision ferme d’avancer sur le chemin de la perfection est souvent suivie d’attaques massives du Diable.

Cependant, ces suggestions sont trompeuses, car le but de l’ascèse des pensées n’est pas une répression obstinée et forcée de soi-même, mais de pouvoir s’ouvrir plus profondément à l’amour de Dieu. Dans ce processus, notre relation avec le Seigneur s’intensifie, de sorte qu’avec le temps nous acquérons une retenue intérieure, qui devient notre guide et nous empêche de nous laisser emporter par les simples distractions de nos pensées. Il convient de noter qu’en franchissant cette étape, il se peut que nous traversions d’abord une sorte de désert intérieur, puis que nous soyons tentés de revenir à notre mode de pensée habituel.

Une grande aide pour l’ascèse des pensées est ce qu’on appelle la « prière du cœur ». Il s’agit d’une pratique qui cherche à nous conduire à une prière constante. Ainsi, même dans les diverses tâches qui ne requièrent pas une concentration totale, nous pourrions poursuivre la prière intérieure, afin que le cœur et l’esprit s’y habituent. Un des fruits de cette pratique est que nous trouvons plus de plaisir dans la prière, et ainsi l’Esprit du Seigneur peut nous retenir afin que nous ne nous laissions pas emporter par des distractions inutiles et que nous ne perdions pas notre recueillement en Dieu. Cette « prière du cœur » est comme la répétition de certaines prières éjaculatoires, mais pas seulement de temps en temps, à certains moments, mais systématiquement.

Si nous nous exerçons à la vertu de tempérance et à l’ascèse des pensées, nous entrons dans une phase où nous coopérons activement au chemin de la sanctification. Et c’est là qu’intervient la vertu de prudence, dont nous parlerons demain.